lundi 19 septembre 2011

Récession : des repères

Le ralentissement économique des derniers mois a ramené à l'avant-scène le spectre d'une nouvelle récession. Mais, que signifie concrètement ce concept? Plusieurs analystes définissent une récession comme étant deux trimestres consécutifs de contraction de l'économie (PIB réel). Qu'en pensent les experts qui ont la responsabilité d'établir les dates de début et de fin des récessions au Canada et aux États-Unis?

Dans une étude spéciale, publiée en mars 2009 dans l'Observateur économique canadien (OEC) de Statistique Canada (SC), Philip Cross écrit ceci :

«...il convient de rappeler que ni Statistique Canada, ni le NBER [National Bureau of Economic Research] …se reportent exclusivement au PIB pour fixer les dates des récessions qui se produisent. Les deux organismes font expressément fi de la règle selon laquelle on conclut à une récession par deux reculs trimestriels consécutifs du PIB.»

Dans un article intitulé «Qu'est-ce qu'une récession?» de l'édition de mars 2009 de la revue Finances et Développement du FMI, ses auteurs présentent deux trimestres consécutifs de contraction du PIB comme étant une règle utile, mais incomplète pour déterminer s'il y a récession. En janvier 2009, The Economist y a référé comme étant «The popular rule of thumb…».

Le diagnostic de récession est en fait un jugement porté à partir de l'examen de l'évolution de plusieurs indicateurs macro-économiques, dont le PIB réel et l'emploi. Selon le NBER, le recul de l'activité économique doit être significatif et s'étendre, pendant plusieurs mois, à l'ensemble de l'économie. Une fois que le NBER, pour les États-Unis, et SC, pour le Canada, se prononcent sur le moment du début et celui de la fin d'une récession, leurs décisions respectives deviennent la référence officielle qui fait consensus chez les économistes.

Malgré ce qui précède, deux trimestres consécutifs de recul significatif du PIB réel, généralisé à l'ensemble de l'économie, peuvent constituer un indicateur valable de la vraisemblance
du début d'une récession en attendant que le NBER ou SC se prononcent, ce qui peut prendre bien du temps. On peut aussi supposer que deux trimestres consécutifs de progression significative du PIB réel, après une période de baisse marquée de l'activité économique, constitueraient un signal non négligeable de la vraisemblance d'une reprise, et donc de la fin probable d'une récession.

Ralentissement


Dans une autre étude spéciale publiée en décembre 2010 dans l'OEC, Philip Cross examine les périodes de ralentissement économique durant les phases d'expansion au Canada depuis la fin de 1982, ce qui, par définition, exclut les périodes de récession. Il en a recensé dix, soit une presque tous les deux ans, d'où l'importance d'être prudent avant d'avancer tout diagnostic de récession.
Les ralentissements sont en quelque sorte une pause de croissance dans une phase d’expansion. Ils peuvent être identifiés par une croissance faible ou une stagnation ou encore une faible baisse de l’activité économique perceptible dans l’évolution à court terme du PIB réel ou de l’emploi.
 
Récession et dépression

La revue The Economist, en page 57 de son édition du 3 janvier 2009, examine la différence entre une récession et une dépression. Avant la deuxième guerre mondiale, le mot récession n'était pas utilisé pour désigner une contraction importante de l'économie. Les phases d'expansion étaient suivies de dépressions plus ou moins longues ou sévères. Voulant éviter de rappeler dans l'imagination des gens la grande dépression des années 1930, on substitua le mot récession au mot dépression après la deuxième guerre. Cependant, l'article de la revue fait référence à des écrits qui distinguent encore aujourd'hui récession et dépression, en se basant sur leurs causes et leur sévérité.

Sur une note un peu plus légère, l'ex-président américain Harry Truman s'est essayé à distinguer récession et dépression : une récession, selon lui, c'est quand votre voisin perd son emploi; une dépression, c'est lorsque vous perdez le vôtre. Lors de la campagne à la présidence de 1980, Ronald Reagan a repris cette distinction et y a ajouté qu'une reprise c'est quand Jimmy Carter, alors Président, perd le sien. Ironie du sort, le premier mandat de Reagan à la présidence fut marqué par l'une des deux plus sévères récessions de la deuxième moitié du vingtième siècle.

Crise et dépression

Pour ce qui est de l'expression crise économique, elle était jadis synonyme de dépression économique. Ces expressions sont en quelque sorte devenues désuètes avec l'adoption du terme récession pour désigner les phases baissières des cycles économiques. Il faut dire aussi que les contractions économiques ont été beaucoup moins sévères qu'auparavant après la deuxième guerre mondiale en raison notamment des interventions publiques de type keynésien pour empêcher une baisse trop prononcée de l'économie et pour stimuler la relance. Advenant un nouveau fléchissement de l'activité économique de l'ampleur de celui de la Grande dépression des années 1930, il ne faudrait pas se surprendre d'un retour de l'expression dépression économique dans les analyses de la conjoncture. Qui sait?

Si l'expression crise économique est démodée, le mot crise est bien de son temps dans l'expression crise financière. Celle-ci est en effet bien présente dans les analyses et les commentaires lorsqu'il s'agit de faire état des conditions prévalant sur les marchés financiers en période particulièrement troublée, comme celle que nous connaissons depuis 2007-2008. Les crises financières provoquent normalement des récessions plus prononcées que celles qui découlent d'un resserrement de la politique monétaire en vue de juguler l'inflation.


Ralentissement, récession, dépression et crise sont des concepts qui évoluent dans le temps en fonction du développement des connaissances, de l'expérience et de l'usage. Il faut cependant éviter les raccourcis qui nuisent à une bonne compréhension des phénomènes qu'ils tentent de décrire.

  

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