mardi 29 mars 2016

Libérez-nous des taux de variation annualisés


Les taux de variation annualisés : de quoi s’agit-il? Dit simplement, c’est ramener en rythme annuel les variations d’un mois à l’autre ou d’un trimestre à l’autre des statistiques sur l’évolution des indicateurs économiques.

Cette façon de faire donne une idée de l’ampleur d’une variation si elle se répétait toute l’année. Le calcul est simple : multiplier par douze la variation mensuelle ou par quatre la trimestrielle. Toutefois, il est plutôt rare qu’une variation mensuelle ou trimestrielle se répète en continu au cours d’une année. Annualiser donne un ordre de grandeur complémentaire, sans plus.

Là où ça devient problématique, c’est lorsque la variation annualisée devient la principale donnée mise de l’avant, et, parfois même, la seule dans bien des analyses, communiqués ou médias. Il arrive aussi que l’on néglige d’indiquer explicitement qu’il s’agit d’une variation annualisée.

Aux États-Unis, des agences gouvernementales  qui compilent et diffusent des statistiques officielles, se limitent à ne publier qu’en rythme annuel les variations mensuelles ou trimestrielles. Le Bureau of Economic Analysis en est un bon exemple, notamment lorsqu’il publie les données trimestrielles sur le PIB réel. Ainsi, en 2015, le PIB réel des États-Unis a crû de 2,4 %. Les variations annualisées d’un trimestre à l’autre se présentent comme suit :

T1 : 0,6 %

T2 : 3,9 %

T3 : 2,0 %

T4 : 1,4 %.

Pour obtenir la variation trimestrielle sans enflure artificielle, il suffit de diviser par quatre chaque pourcentage présenté ci-dessus. Ainsi, la formidable croissance de 3,9 % au deuxième trimestre devient une croissance, tout de même solide, de 1,0 % (0,975 % avant arrondissement). L’annualisation porte aussi à conséquence sur l’ampleur des révisions. La croissance du quatrième trimestre a d’abord été estimée à 0,7 % en rythme annuel; elle a ensuite été révisée à 1,0 % et, le 25 mars, elle était portée à 1,4 %. L’écart entre la première estimation et la plus récente semble important (0,7 points de pourcentage), mais, en réalité, il est quatre fois moindre. Annualiser les données vient exagérer, en fait quadrupler ici, l’ampleur des révisions. C’est aussi parfois une source de confusion. En effet, dans son article repris dans divers journaux, dont Le Soleil du 26 mars (page 38), l’Associated Press a interprété le 1,4 % comme étant la croissance du quatrième trimestre de l’an dernier par rapport au quatrième de 2014, plutôt que celle du quatrième par rapport au troisième.   

Au Canada et au Québec, Statistique Canada (SC) et l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) respectivement publient le taux de variation du PIB réel et, pour faciliter la comparaison avec les États-Unis, ils ajoutent, en complément d’information, le taux annualisé. C’est dans le traitement de l’information par des analystes et des médias que la confusion s’installe ensuite. Les États-Unis ne publiant pas de données mensuelles sur le PIB réel par industrie, SC et l’ISQ se gardent bien d’annualiser les variations mensuelles pour cet indicateur puisqu’ils n’ont pas à satisfaire les personnes qui veulent comparer ces résultats avec ceux de l’économie américaine.

En septembre dernier, les tenants de l’occurrence d’une récession au Canada, au premier semestre de 2015, utilisaient les données trimestrielles annualisées sur le PIB réel pour donner du mordant à leur hypothèse. Les baisses successives de l’activité économique, estimées à 0,2 % au premier trimestre et à 0,1 % au deuxième, devenaient respectivement 0,8 % et 0,5 % une fois quadruplées artificiellement. L’annualisation des variations permettait de mieux appuyer leur propos et de mieux «orienter» le lecteur ou l’auditeur non averti.

Les statistiques mensuelles de la Société canadienne d'hypothèques et de logement sur les mises en chantier d’habitations illustrent bien les exagérations que peut susciter leur annualisation. Le communiqué du 8 mars dernier de cet organisme fait état de 212 594 mises en chantier en février dernier (données désaisonnalisées et annualisées), comparativement à 165 071 en janvier, soit une différence de 47 523. Divisez par 12 pour enlever le gonflement artificiel, vous obtenez 17 716 en février et 13 756 en janvier et ainsi un écart  de 3 960 mises en chantier entre les deux mois. Déjà que les données réelles sont, avec raison, désaisonnalisées pour faciliter les comparaisons d’un mois à l’autre, est-ce vraiment nécessaire de les étirer au maximum en les annualisant pour qu’elles donnent une image déformée de la réalité?

Des économistes et des commentateurs de l’actualité économique pratiquent parfois l’art de compliquer les choses, et l’utilisation immodérée des variations annualisées pour des données intra-annuelles fait partie de cet art, tout comme l’usage d’expressions dont le sens est ambigu (à titre d’exemple, croissance négative du PIB réel en lieu et place de baisse ou diminution de cet indicateur). D’abord limité aux États-Unis, l’emploi sans retenue des variations annualisées se répand de plus en plus, et il semble qu’il faille s’habituer à vivre avec ce fléau. Toutefois, cela ne doit pas nous empêcher d’en signaler les travers et de se souhaiter un retour éventuel à la juste évaluation de la variation de certains indicateurs.

jeudi 17 mars 2016

Économie américaine : croissance modeste au cours des mois à venir

L'évolution mensuelle et semestrielle des indicateurs avancés de l'économie américaine pointe de nouveau vers une croissance modeste de l'activité au cours des prochains mois, si l'on se base sur l'information publiée le 17 mars sur le site Internet du Conference Board.

https://www.conference-board.org/data/bcicountry.cfm?cid=1

En outre, les participants au Federal Open Market Committee (FOMC) des 15 et 16 mars ont revu à la baisse leurs prévisions de croissance aux Etats-Unis pour 2016. La médiane de leurs projections est passée de 2,4 % en décembre à 2,2 % ce mois-ci.

https://www.federalreserve.gov/newsevents/press/monetary/20160316b.htm

Les organismes de prévision consultés par la revue The Economist ont aussi abaissé leurs estimations de croissance pour cette année; la moyenne est passée de 2,3 % au début de février dernier à 2,0 % au début de ce mois-ci (réf. : édition du 5 mars, page 85).

Mon article du 2 mars dernier donnait un peu plus de renseignements sur la révision à la baisse des perspectives de croissance de l'économie américaine en 2016.

http://leblogdejpfsurlesindicateursavances.blogspot.ca/2016/03/le-mirage-dune-croissance-americaine.html

jeudi 3 mars 2016

L'économie mondiale fait du surplace en début d'année

L'économie mondiale marque le pas ou croît faiblement ces temps-ci. C'est ce que laisse croire l'évolution récente du JP Morgan Global Manufacturing & Services PMI, publié le 3 mars sur le site Internet de Markit Economics.

Détails à :
https://www.markiteconomics.com/Survey//PressRelease.mvc/fae12ed799474198b4047027ab72793a

mercredi 2 mars 2016

Le mirage d'une croissance américaine vigoureuse en 2016 disparait-il?


Les projections de croissance de l’économie canadienne sont en partie basées sur celles des États-Unis, en raison notamment de l’importance de ce marché pour les entreprises canadiennes. En janvier dernier, le FMI prévoyait que le PIB réel de notre voisin du Sud augmenterait de 2,6 % cette année; la Banque du Canada avançait un 2,4 %, et titrait en page 3 de son Rapport sur la politique monétaire «L’activité aux États-Unis devrait s’accroître à un rythme vigoureux». Toutefois, ces prévisions ne sont-elles plus qu’une illusion ces jours-ci?
 
Déjà, à la mi-février, les économistes de l’OCDE révisaient à la baisse leur estimation de la croissance américaine, la portant à 2,0 %. Les quarante prévisionnistes professionnels consultés par la Réserve fédérale de Philadelphie faisaient de même, leur prévision moyenne s’établissant à 2,1 %. Même abaissées, ces prévisions semblent comporter une bonne dose d’optimisme. Pourquoi?
-       Les plus récents résultats des enquêtes mensuelles de Markit Economics et de l’Institute for Supply Management auprès des gestionnaires d’approvisionnement des entreprises américaines laissent croire que la croissance est léthargique ces temps-ci.
-       La moyenne mobile du Chicago Fed National Activity Index indique que la croissance des derniers mois est en-deça de sa tendance.
-       L’évolution mensuelle et semestrielle des indicateurs avancés du Conference Board tout comme l’évolution mensuelle des indicateurs précurseurs de l’OCDE pointent vers un fléchissement de la croissance américaine au cours des mois à venir.
Un bref extrait du document d'information Perspectives de l’économie canadienne du ministère des Finances du Canada, publié le 22 février, résume assez bien ce que les indicateurs précédents laissent présager : «Il se peut que la croissance aux États-Unis soit encore une fois décevante,…».
Pour le Canada, cela signifie que la bouée de sauvetage américaine se dégonfle. En outre, plusieurs indicateurs précurseurs de l’évolution de son économie continuent d’envoyer des signaux inquiétants. Il en est ainsi des permis de bâtir, des mises en chantier de logements, des commandes en carnet dans la fabrication et des prix des produits de base. Les espoirs d’amélioration des perspectives se fondent maintenant, pour l’essentiel, sur le plan de stimulation de l’économie qui devrait être annoncé le 22 mars dans le Budget 2016. Si ce n’est pas suffisant, les responsables de la politique monétaire pourraient être incités à utiliser de nouveaux outils pour tenter de corriger la trajectoire de la croissance, bien que toute mesure additionnelle (exemples : assouplissement quantitatif, taux d’intérêt négatifs) risque d’avoir un impact limité.
Au Québec, dans un tel contexte, il est difficile d’imaginer des perspectives de croissance robuste ou même modérée. Croissance modeste, faible ou lente sont probablement plus appropriées pour décrire ce que les prochains mois nous réservent, et c’est, d’ailleurs, ce que laisse entrevoir l’évolution récente de l’Indice précurseur Desjardins. Le gouvernement risque bien de se complaire dans l’atteinte de l’équilibre budgétaire ou même d’un surplus des revenus par rapport aux dépenses de programmes au moment du Discours du Budget du 17 mars, mais de l’audace s’avère nécessaire pour insuffler un nouvel élan à l’économie. Le Ministre des Finances nous réserve-t-il des annonces de mesures ou de projets qui sauront nous surprendre?
Par ailleurs, comme quoi tout n’est pas que morosité sur le plan de la conjoncture, les marchés boursiers, qui sont un indicateur précurseur de l’évolution de l’économie, reprennent graduellement de la vigueur ces jours-ci en Amérique du Nord, et l’emploi aux États-Unis, un indicateur coïncident, continue sa progression.
Un conseil en terminant : gardez vos ceintures attachées et aiguisez bien vos réflexes, car les zones de turbulence de l’économie et les volatilités des marchés financiers ne se dissiperont pas de sitôt.