mercredi 25 mars 2015

La bourse est-elle un indicateur avancé de l'évolution de l'économie?


Les économistes connaissent la célèbre boutade de Paul A. Samuelson (1966) à l'effet que le marché boursier a prédit neuf des cinq dernières récessions. Mais, qu'en est-il au juste? Est-ce que les indices du prix des actions des entreprises cotées en bourse contribuent à anticiper l'évolution de l'économie et les points de retournement de son cycle?

 

Pour être retenue comme indicateur précurseur, une variable doit avoir une importance significative dans l'économie. Elle doit aussi passer le test du temps, c'est-à-dire avoir démontré historiquement qu'elle devance de quelques mois l’évolution de l'activité économique. Les indices boursiers, même s'ils fluctuent pour diverses raisons, satisfont à ces conditions pour de nombreuses économies.

 

En effet, à l'OCDE, les cours des marchés boursiers sont l'une des composantes de ses indices composites mensuels des indicateurs avancés pour vingt-sept des trente-neuf pays pour qui cet organisme produit de tels indices. Le Conference Board publie des indices mensuels d’indicateurs avancés pour douze pays et la Zone euro; seul celui de la Chine ne comporte pas d'indice boursier. Au Québec, l’Indice précurseur Desjardins retient aussi un indicateur de l'évolution du prix des actions des entreprises.

 

Malgré ce qui précède, êtes-vous encore sceptique quant au rôle des marchés boursiers comme indicateur avancé de la tendance future de l'économie? Si oui, alors citons une autre source pour tenter de vous en convaincre. Les auteurs de l'encadré 1.3 des Perspectives de l'économie mondiale du FMI de septembre 2011 posent la question suivante : «La baisse des cours boursiers est-elle un signe avant-coureur d'une récession?». Pour y répondre, ils ont examiné le cas des pays du G7. Leur analyse a démontré que pour les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et le Japon, le prix des actions joue un rôle important comme indicateur précurseur d'une éventuelle récession. Pour le Canada et l'Allemagne, la méthode utilisée n'a pas mis en évidence une telle capacité d'anticipation d'une phase baissière du cycle économique. En ce qui concerne l'Italie, d'autres variables financières ont plus d'importance que le cours des actions. Les auteurs de cette étude concluent, notamment, que «...les responsables politiques doivent donc être attentifs aux fortes baisses des cours boursiers, car elles sont liées à un risque accru de nouvelle récession.»

P.S. : Ce commentaire est une mise à jour de celui que j'avais publié le 23 février 2012.

samedi 21 mars 2015

L'économie est-elle une science? La réponse de Schumpeter


Cette question a été maintes fois posée; elle l’est encore aujourd’hui, même si plusieurs y ont déjà répondu, et elle le sera vraisemblablement encore dans l’avenir. Juste pour donner aux lecteurs de ce billet une idée de l’intérêt qu’elle suscite : une recherche sur Internet donne 512 000 résultats lorsqu’on la pose en français, et 315 000 000 en anglais. Un examen sommaire de quelques-uns des textes répertoriés offre, sans surprise, de multiples réponses.

L’éminent économiste Joseph Alois Schumpeter (1883-1950) s’est lui aussi posé cette question. Comment a-t-il choisi d’y répondre dans son «Histoire de l’analyse économique»* publiée il y a plusieurs décennies? Selon lui,

« L’économie…n’est pas …une science si nous faisons de l’emploi de méthodes semblables à celle de la physique mathématique le caractère spécifique (definiens) de la science. Dans ce cas, seule une faible part de l’économie est scientifique, … » (page 30)

Il propose toutefois une autre approche :

« …est une science tout domaine de connaissance qui a mis au jour des techniques spécialisées de recherche des faits et d’interprétations ou d’inférence (analyse)…est une science tout domaine de connaissance où des…chercheurs…se vouent à l’amélioration du capital existant de faits et de méthodes et, au long de ce processus, acquièrent en ces deux points une maîtrise qui les différencie du «profane» et finalement aussi du simple «praticien». » (pages 30 et 31)

Et il ajoute :

« …l’économie est évidemment une science, en conformité avec notre définition du mot. » (page 31)

Sa définition s’apparente à celles des dictionnaires. Schumpeter va cependant jusqu’à énoncer les connaissances de base essentielles pour contribuer adéquatement à la science économique. «Ce qui distingue l’économiste scientifique de tous ceux qui réfléchissent, parlent et écrivent sur des sujets économiques…» (page 36), c’est la maîtrise que celui-ci a de l’analyse économique, soit les techniques, au sens large précise-t-il, qu’il classe en trois catégories : l’histoire, la statistique, incluant les méthodes statistiques, et la théorie économiques (pages 36 et 47). À l’analyse économique, il en vient à ajouter ce qu’il appelle la  «Sociologie Économique» (page 48).  Il écrit :

«Pour reprendre une formule heureuse : l’analyse économique traite des questions relatives au comportement des individus en tout instant et à la nature des effets économiques qu’ils engendrent par ce comportement; la sociologie économique s’occupe de savoir comment ils en vinrent à adopter ce comportement.» (page 48)

Par ailleurs, Schumpeter sert une mise en garde assez sévère aux économistes en les invitant à ne pas céder :

« …à leur penchant marqué à se mêler de politique, à colporter des recettes politiques, à se présenter sous les traits de philosophes de la vie économique,…» et ce faisant, à négliger «… le devoir d’affirmer explicitement les jugements de valeur qu’ils introduisaient dans leur raisonnement. » (page 46)

Pour revenir à la question initiale, elle est parfois posée par des gens qui retiennent surtout les difficultés des économistes à prévoir l’évolution à court ou moyen termes de l’économie ou à prévoir les récessions ou les crises financières. D’ailleurs, on sent  bien la moquerie chez ceux qui la présentent de cette façon. Or, bon nombre d’économistes, pour ne pas dire la grande majorité, n’ont jamais, dans l’exercice de leur profession, à faire une quelconque prévision.

Il n’y a qu’à s’arrêter, ne serait-ce qu’une fois par année, aux travaux de recherche de ceux qui reçoivent le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel pour se convaincre du sérieux des économistes scientifiques.


L’univers d’observation et d’analyse des économistes est particulièrement vaste, complexe et constamment en mouvance. Les leçons tirées des expériences antérieures sont utiles, mais elles sont rarement les solutions toutes faites aux nouveaux problèmes à examiner et à solutionner. D’ailleurs, l’économie n’est pas unique à cet égard; bien d’autres domaines de connaissances, en particulier les sciences humaines et les autres sciences sociales, sont confrontés à cette même réalité. Pour reprendre les mots du géologue Patrick De Wever : «…la science n’est pas une connaissance figée.» 
 

*Schumpeter, Joseph Alois. «Histoire de l’analyse économique», tome 1«L’âge des fondateurs». Éditions Gallimard (1983 et 2004), pages 25 à 82 de l’édition de 2004. La version anglaise «History of Economic Analysis» a été publiée pour la première fois en 1954.

mercredi 4 mars 2015

Économie de la zone euro : la croissance gagne en traction

Les résultats des enquêtes de Markit Economics auprès des gestionnaires d'approvisionnement (indices PMI) indiquent que la croissance se poursuit en zone euro au premier trimestre de cette année. Elle se serait même accélérée en février dernier, selon l'analyse et les données publiées le 4 mars.

Lien vers le communiqué de Markit Economics :

http://www.markiteconomics.com/Survey/PressRelease.mvc/26e06d483e864ef2aec3b6dfe47311f3


Les indicateurs avancés du Conference Board et de l'OCDE pointent, en outre, vers une amélioration de la conjoncture au cours des prochains mois.

Lien vers le communiqué du Conference Board :

http://www.conference-board.org/data/bcicountry.cfm?cid=10

Lien vers le communiqué de l'OCDE :

http://www.oecd.org/fr/std/indicateurs-avances/indicateurscompositesavancesdelocde-miseajourfevrier2015.htm