Les 150 ans de la Confédération en 2017 sont une occasion de se remémorer l'évolution du Canada à bien des égards, et l'économie ne fait pas exception. J’ai préparé de brefs articles pour mettre en perspective l’économie canadienne; celui-ci, le quatrième, pose la question de sa mondialisation. Le troisième, publié ici le 22 juin, est un commentaire sur le discours du 28 mars dernier du Gouverneur de la Banque du Canada. Le deuxième porte sur la monnaie, et il a été publié sur ce blog le 15 juin. Le premier traite du marché commun, et il a été publié ici le 13 juin.
À compter du milieu du
dix-neuvième siècle, le Canada est passé graduellement d’une économie coloniale
à une économie continentale. Aujourd’hui, des entreprises canadiennes vendent
et achètent des biens et des services partout dans le monde. Elles investissent
aussi dans un grand nombre de pays, tout comme des entreprises étrangères
investissent ici. Les Canadiens voyagent partout sur la planète, et ils
accueillent un grand nombre de visiteurs étrangers. L’omniprésence dans
certains commerces de produits étiquetés Fabriqué
en Chine amène bien des gens à voir là le reflet de la mondialisation. Les
succursales de la Société des alcools du Québec offrent en abondance des
produits provenant de tous les continents, exception faite, bien sûr, de
l’Antarctique. Au-delà de ces exemples, l’économie canadienne est-elle pour
autant devenue mondialisée? Que révèlent les indicateurs macro-économiques quant
au degré de mondialisation de l’économie canadienne?
· Les exportations de biens et services contribuent
à environ un cinquième de l’ensemble de l’activité économique au Canada. En
2013, dernière année où des données sont disponibles, elles comptent,
directement et indirectement, pour 21,7
% de la valeur ajoutée (PIB) et 16,9 % des emplois[1]. Les ventes aux États-Unis,
à elles seules, représentent 15,3 % de la valeur ajoutée et 11,3 % des emplois.
Ainsi, les ventes aux autres marchés participent relativement peu (6,3 %) à
l’activité économique au pays.
· Un peu plus des trois quarts des exportations
canadiennes de biens (76 %) sont allés aux États-Unis en 2016. Des 43 255
entreprises exportant des marchandises cette année-là, 35 203 ont réalisé
des ventes aux États-Unis et 25 088 l’ont fait uniquement vers ce pays.
· Les importations jouent un rôle important au
Canada pour, entre autres, répondre aux besoins des consommateurs et à ceux des
entreprises à la recherche de biens d’équipement. Le contenu en importations
des exportations est loin d’être négligeable dans certaines industries,
notamment celles du matériel de transport. Une fois que l’on a tenu compte des
importations en provenance des États-Unis (52 % du total des importations de
biens) et de la Chine (12 %), il reste relativement peu pour les autres
fournisseurs étrangers.
· Le commerce des services du Canada est moins
dépendant des États-Unis que ses échanges de biens, mais ce pays compte tout de
même pour 55 % de ses exportations et 54,4 % de ses importations.
· La part des actifs
canadiens sous contrôle étranger atteint 17,2 % en 2015. La
moitié de ces actifs est contrôlé par des entreprises américaines. En outre,
seulement 11,8 % des emplois au Canada se retrouvent dans des sociétés
à propriété étrangère en 2015. Toutefois, Statistique
Canada attribue à ces sociétés 71,9 % du commerce extérieur de services
technologiques, 52,8 % du commerce des marchandises, 49,9 % de celui des
services commerciaux et 34,5 % des dépenses internes de recherche et
développement d’où leur importance stratégique.
· Près des deux tiers de l’actif total détenu
par des sociétés
canadiennes oeuvrant à l’étranger sont localisés en Amérique
du Nord (États-Unis et Mexique) en 2015. Cette région compte aussi pour la
moitié de leurs employés travaillant à l’étranger.
Ainsi, la mondialisation
n’est vraisemblablement pas aussi importante au Canada que ce que l’actualité
économique peut bien des fois laisser croire. Même sur le plan de l’inflation,
la Banque du Canada est venue affirmer dans son Rapport sur la politique monétaire
d’octobre dernier que « La mondialisation ne contribue probablement
pas de manière importante au bas niveau de l’inflation»[2].
En revanche, la
mondialisation a un sens tout particulier au Canada lorsque l’on examine la
composition de sa population. Les données de Statistique Canada provenant du Recensement
de 2016 révèlent que :
· Plus d’un cinquième (21,9 %) de la population
du Canada est née à l’étranger.
· Près de la moitié (48,1 %) de la population
née hors du pays vient de l’Asie, et un peu plus du quart (27,7 %) de l’Europe.
L’Afrique contribue de plus en plus à la population canadienne. Ce continent est
maintenant le deuxième en importance du point de vue de l’immigration récente
au pays.
· Environ six immigrants récents sur dix ont
été admis en vertu du volet économique.
· Deux enfants canadiens sur cinq sont issus de
l’immigration.
· Plus de 250 groupes ethniques contribuent à
la diversité de la population canadienne.
Cette empreinte de la
mondialisation au Canada est donc loin d’être négligeable, car sa capacité de
développement économique tient, d’abord et avant tout, à ses ressources
humaines. Les besoins en main d’œuvre vont grandissants, et le recours à celle
provenant de l’extérieur du pays prend de l’ampleur.
Le tour d’horizon qui vient
d’être fait porte à conclure que l’économie canadienne est bien davantage
continentale que mondialisée. Sur le plan macro-économique, le marché intérieur
est à l’origine de plus des trois quarts de l’activité économique. En outre,
sans surprise, une grande part des échanges mondiaux du Canada est attribuable
aux relations économiques avec les États-Unis. Les efforts importants de
diversification des marchés déployés depuis près d’un demi-siècle n’ont pas
encore réussi à modifier la tendance de fond. En revanche, la population
canadienne est de plus en plus diversifiée, et elle devient graduellement un
microcosme de l’humanité.
Aussi, il demeure très important de faciliter
les échanges économiques entre les régions du Canada[3]. Même si l’Accord de
libre-échange canadien est entré en vigueur le premier juillet dernier,
subsistent plusieurs mesures ayant pour effet de diminuer le potentiel des
échanges entre les provinces. Avec les États-Unis, la
seule préservation des acquis semble tout un défi ces temps-ci dans un contexte
de recrudescence du nationalisme politique et économique dans ce pays. L’influence
américaine sur le mode de vie des Canadiens et des autres peuples n’en est pas
moins importante en raison, entre autres, de la création et de la destruction économiques suscitées par les
Alphabet, Amazon, Apple, Facebook, Netflix, Walmart, etc., de ce monde.
Enfin, on ne peut exclure la
possibilité que la mondialisation ait plus de retombées et de conséquences au
Canada que ce qui peut être mesuré sur le plan économique. Le Village global envisagé par Marshall McLuhan durant les années 1960 existe bel et bien aujourd’hui à divers égards. Pensons au
réseautage des scientifiques et des experts internationaux rendu plus aisé
grâce aux technologies de l’information et des communications. Les
développements qui en découlent en pratique ne sont pas nécessairement mesurés comme une
retombée de la mondialisation.
[1]
En raison des
limites des modèles d’impact économique, ces données sous-estiment quelque peu la
contribution des exportations à l’économie, car elles ne tiennent pas compte
des effets induits, notamment par les dépenses de consommation des
travailleurs. En outre, il importe de distinguer la contribution des
exportations à l’activité économique (leur valeur ajoutée) de la valeur totale
des exportations par rapport au PIB nominal (un indicateur du degré d’ouverture
d’une économie). Comme indiqué ci-dessus, la valeur ajoutée des exportations
représentait 21,7 % du PIB canadien en 2013. En revanche, la même année, les
exportations totales représentaient 30,2 % du PIB. La différence entre ces deux
pourcentages donne une approximation du contenu en importations des exportations.
[2] Page 11, encadré 1 du
Rapport.
[3] Une étude de
Statistique Canada,
publiée le 14 septembre dernier, mesure l’équivalent tarifaire des obstacles au
commerce entre les provinces avant l’entrée en vigueur de l’Accord de
libre-échange canadien.
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